Babel-17 et la Ballade de Bêta-2

Samuel R. Delany

La Ballade de Bêta-2 et Babel-17

La Ballade de Bêta-2 :

La ballade de Bêta-2 est une nouvelle de Space Opéra écrite en 1965, alors que Samuel R. Delany, l’auteur, a 23 ans. Le lecteur est amené à suivre le jeune Joneny, un étudiant très cartésien qui doit remplir un devoir pour son académie en étudiant le peuple Astral, qu’il juge sans intérêt historique. Malgré son désintérêt initial Joneny est consciencieux et se rend près des vaisseaux qui abritent les derniers représentants de ce peuple, traversant l’espace pour étudier leur art, et surtout le recueil de poésies et de chants peu connus qui en sont issus. Et alors qu’il s’attendait à découvrir une population complètement anéantie ou presque, primitive et au bord de l’instruction, son enquête le mènera vers un passé inattendu, et surtout vers les évolutions insoupçonnées de ce peuple. Peu à peu le personnage principal s’efface face à ses découvertes. Avec lui, nous partons à la recherche du secret du peuple Astral et de ses drames.

Babel-17 (prix Nébula 1966)

Au cours du conflit entre Terriens et envahisseurs, la poétesse Rydra Wong est amenée à étudier un code perçu fréquemment avant des attentats. Mais est-ce vraiment un code? La linguiste devra en découvrir les secrets si elle veut comprendre ce langage particulier créé par les envahisseurs, un langage qui résumerait tout, dans une synesthésie des sens bluffante, mais qui annihilerait la notion du moi…

L’auteur exprime dans cette nouvelle une opinion à contre pied de celle qui se développera dans les années suivantes chez les hippies. Pour lui, la disparition de la notion de “moi” signifierait la disparition des remords, des scrupules, de la refonte des idées, du questionnement et du positionnement face à un problème, de la remise en cause des idées. Ainsi à bord du navire Rimbaud il fait s’embarquer le lecteur avec son équipage de désincarnés, d’humains chimériques et de gamins turbulents, et sa capitaine tourmentée par les mystères de cette langue…

 

Voici mon avis :

Si j’ai choisi dans cet article de proposer deux romans d’un même auteur en même temps c’est tout simplement parce-que les mettre en regard permet une vision de son univers bien plus complète. La Ballade de Bêta-2 est presque une nouvelle : l’action se déroule en un temps très court, et Samuel R. Delany met bien plus en avant l’avancement de son récit et par la même l’avancement des réflexions qu’il suscite. Au contraire dans Babel-17 on a plus de descriptions et d’évocations de l’univers créé pour ce roman. Les personnages sont donc ainsi plus développés de même que les caractéristiques de leur monde, avec ses dynamiques et ses enjeux. Le lecteur est bien plus invité à un voyage divertissant et intrigant. Pourtant les deux romans permettent d’amener des critiques intéressantes sur de possibles évolutions de l’humanité. Samuel R. Delany nous incite à une réflexion sur la mentalité humaine au travers des erreurs que les hommes feraient plus tard selon lui. Le cadre spatio-temporel lointain et mythique qu’est le futur dans l’espace permet de grandes libertés.

Ainsi les réflexions ne sont pas amenées de la même manière dans ces deux livres, puisque la ballade amène ses conclusions de manière plus abruptes que Babel-17, qui laisse l’histoire et le cadre se développer bien plus. Les deux présentent cependant des questionnements intéressants.

Pour finir, j’aimerais saluer l’écriture de l’auteur, qui ajoute beaucoup de finesse à ses descriptions comme à ses réflexions et beaucoup de profondeur dans l’univers qu’il crée. On est confronté dans la Ballade de Bêta-2 à la mise en place d’une société jusqu’à sa déchéance et dans Babel-17 on a une vue sur une société avec ses préjugés, ses problèmes et son équilibre fragile. Samuel R. Delany introduit beaucoup de poésie qui donne du relief à ses récits. Le tout est très souple et divertissant.

J’ai dévoré les deux livres, chacun amenant un cheminement différent. Je lis relativement peu de Space Opera mais j’ai pris un certain plaisir à découvrir ceux-là.

Mathilde Agro