Le roman Dorothée danseuse de corde, publié il y a tout juste un siècle (1923), est l’œuvre de Maurice Leblanc. Sans doute ce nom vous est-il, tant soit peu, familier. Et pour cause : l’auteur est le père d’un des personnages de fiction les plus populaires du vingtième siècle dont la notoriété intemporelle en fait encore de nos jours une référence culturelle au centre d’un foisonnant univers tant littéraire que cinématographique, fruit de son appropriation par des générations de lecteurs. Oui, c’est bien lui, le héros qui parcourt la France de la Belle époque au gré de coups de mains audacieux, d’énigmes brillamment résolues et d’aventures palpitantes, celui qui est venu livrer bataille jusque dans notre vallée de Luz-Saint-Sauveur pour sauver une demoiselle aux yeux verts, le gentlemen à la fois cambrioleur et détective que tout le monde acclame : Arsène Lupin.

Mais dissipons sans tarder tout malentendu. Dans Dorothée danseuse de corde, il n’est nullement question d’Arsène Lupin. La vedette revient tout entière au rôle-titre : Dorothée.

Dorothée est âgée de 18 ou 20 ans. Nous la découvrons au sortir de la Grande guerre durant laquelle elle a servi comme infirmière. Orpheline depuis peu, elle a recueilli de jeunes garçons que la guerre avait livrés à eux même. Ensemble, ils constituent la petite troupe du Cirque Dorothée dirigée avec brio par l’adolescente qui, malgré de modestes moyens, exécute des numéros éblouissants valant à chacune de ses représentations un franc succès. Menant une vie d’authentiques saltimbanques, les jeunes gens, au fil des foires et des fêtes, flânent sur les routes encore dépourvues de goudron qu’ils parcourent dans une roulotte tirée par une brave jument. Or, une nuit, alors qu’ils ont fait halte dans le département de l’Orne, en Normandie, Saint-Quentin, l’aîné des garçons, quitte silencieusement le campement dans l’idée de cambrioler le château voisin. Dorothée, alertée peu après, se lance à sa poursuite pour lui faire renoncer à ce projet déraisonnable. Mais voilà qu’elle surprend, au pied du château, un homme en train de se livrer à une mystérieuse besogne…

Aussitôt, Dorothée nous mène dans une aventure palpitante qui nous ferra trembler jusqu’à la dernière page.  Nous y retrouvons avec délice la recette du succès de Maurice Leblanc : trésor, légendes, ennemis mortels, passion, humour et coups de théâtre.

La jeune fille, désinvolte et obstinée, paraît agréablement rafraîchissante et moderne, de sorte qu’elle semble préfigurer les héroïnes qui émergeront dans la culture populaire des années 1960, en particulier la justicière Fantômette dont le créateur reconnaît s’être nourri de l’univers de Maurice Leblanc. Néanmoins, il serait abusif de qualifier ce dernier d’auteur féministe. D’une part l’apparition de Dorothée est trop isolée et trop confidentielle pour exprimer un véritable engagement.  D’autre part, substituer Arsène à Dorothée ou vice versa n’entraînerait que des modifications mineures, les deux personnages ayant des traits analogues comme s’ils n’étaient qu’un seul protagoniste décliné en version tantôt masculine, tantôt féminine. Dorothée serait en quelque sorte la petite sœur restée dans l’ombre. Par ailleurs, le roman alimente l’image de la jeune fille désirable, objet passif des passions masculines. Il est donc plus probable que l’écrivain ait créé Dorothée par opportunité commerciale que par conviction.

Que cette remarque ne vous fasse pourtant pas passer l’envie d’ouvrir ce livre. Ne serait-ce que parce  qu’il nous immerge dans l’atmosphère remarquablement restituée de la France de l’Entre-deux-guerres, ThéoNet vous recommande vivement la lecture de ce roman d’aventures, que vous soyez néophyte ou familier du genre.

Bonne lecture à toutes et à tous !

Désiré Legay–Daquin

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