Il y a presque un mois que les vendanges à Madiran sont terminées. Le raisin fermente en cuve, avant de finir sa maturation en fût de chêne.
Une année qui s’annonce prometteuse déjà au niveau quantitatif, des conditions quasi optimales ayant permis d’obtenir un rendement plus que correct.
Mais il faudra s’armer de patience pour évaluer ce cru au niveau qualitatif. En effet il faudra attendre au minimum un an pour avoir un premier aperçu de la cuvée 2014.
En attendant, plongeons-nous sans modération dans ce vin de terroir.
Le Madiran, un vin historique
L’histoire du vin de Madiran débute au Moyen-Age en l’an 1030 parallèlement à l’essor des abbayes bénédictines. Les moines avaient alors besoin de vin de messe et le Madiran commença à se faire une réputation auprès des pèlerins qui, en se rendant à Saint Jacques, faisaient un détour pour goûter à ce vin.
Les archives départementales des Hautes-Pyrénées nous montrent qu’au XIVe siècle le Madiran était déjà très prisé de nombreux négociants parisiens pour sa richesse alcoolique et sa capacité au vieillissement.
Au milieu du XIXe siècle, la plupart des vignobles français furent attaqués ou dévastés par le phylloxera (une maladie de la vigne), et il faudra attendre le XXe siècle pour qu’on replante les vignes situées sur les meilleurs terrains avec des plans américains immunisés contre certaines maladies, assurant ainsi au Madiran une délimitation géographique.
Le Madiran est classé AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) depuis 1948, et fait désormais partie des meilleurs vins français. Il n’est pas non plus rare d’entendre les syllabes constituant le nom « Madiran » prononcées par des lèvres étrangères, se sublimer d’un accent anglais, écossais, américain, canadien, chinois ou même coréen.
Faire du Madiran
Étant classé AOC, le Madiran demande un suivi annuel complexe, ainsi qu’une main d’œuvre assidue.
Pour obtenir cette appellation, il faut se situer dans la délimitation de l’AOC, 1300 hectares qui s’étendent sur les départements des Hautes Pyrénées, des Pyrénées Atlantiques, des Landes et du Gers, puisque la géographie joue un rôle clef d’un point de vu économique mais aussi gustatif (le sol de Madiran étant particulier et unique).
Ensuite, il faut respecter un cahier des charges qui contrôle l’évolution des vignes de leur plantation à la mise en bouteille.
• Tout commence avec la plantation de la vigne et la sélection des cépages — en quelque sorte la variété de pied de vigne utilisée —, chacun possédant ses spécificités, ses points forts et ses points faibles.
Pour le rouge il y a aucune liberté : en plus du tannat, le cépage du Madiran par excellence, on utilise le cabernet franc et le cabernet sauvignon. Cependant le tannat doit rester majoritaire et représenter plus de 50% de la cuve.
Le tannat est un cépage de caractère, très sombre, charpenté, qui réclame à sa dégustation un palais averti. Comme il est courant de dire dans nos campagnes, boire du Madiran fait pousser la moustache ! (véridique)
• Une fois la vigne plantée, il faudra attendre au minimum trois saisons pour avoir une production.
• C’est là que commence un travail alliant forme physique, intellect, patience et main d’œuvre saisonnière…
Il faudra s’occuper de la vigne tout au long de l’année, même en hiver, où il faut la tailler pour motiver la sève à venir. Au printemps, les bourgeons commencent à se développer et à s’ouvrir, c’est le débourrement. Les feuilles apparaissent début juin, elles s’épanouissent pour laisser apparaître les futures grappes. Certaines sont supprimées pour laisser respirer la vigne et favoriser la qualité par rapport à la quantité. On en laisse généralement six par pied pour les hauts de gamme de l’appellation. Les grappes s’épanouiront durant tout l’été se gorgeant de sucre grâce au soleil, un fruit gorgé de sucre étant gage de qualité. Elles seront enfin récoltées lors des vendanges fin septembre/début octobre.
C’est là que la vinification commence !
Étape clef : chaque œnologue ayant sa recette, ses ficelles, il y a beaucoup de facteurs en plus de la qualité du raisin qui peuvent déterminer un grand cru.
• D’abord on écrase le raisin pour extraire le jus, l’ensemble peau, jus et pépin est ensuite mis en cuve de fermentation.
Ce moût va macérer et permettre l’extraction de la couleur et des tanins. Sous l’action de levures (naturelles ou ajoutées), le sucre se transforme en alcool, c’est la fermentation alcoolique.
Le jus est séparé des impuretés (peau, pépins…) et une seconde fermentation est faite après laquelle le vin est soutiré et stabilisé. On procède ensuite à l’assemblage des différentes cuves (cépages) qui donne à la composition complexité, équilibre et harmonie.
L’élevage en fût de chêne, permettant au vin de respirer et de travailler seul, lui confère des arômes particuliers. Au bout d’un an d’élevage, le vin est prêt pour la mise en bouteille.
Et c’est enfin le plus agréable, la dégustation.
Le Madiran, ses entités économiques, ses vins
Il y a plusieurs façons d’être viticulteur à Madiran : posséder un domaine privé, avec son chais pour la vinification et gérer la production et la vente.
Ou bien posséder des vignes et faire partie de la coopérative de « la cave de Crouseilles ». Si les viticulteurs gèrent leurs vignes, la cave a un regard technique et donne des directives. Une fois les vendanges arrivées tous les fruits partent dans les chais de la coopérative où des œnologues se chargent de la vinification.
Ces différentes entités donnent une grande diversité aux vins produits même si le Madiran possède une identité forte qui lui appartient en propre.
Pour vous initier, vous trouverez facilement un excellent vin de la cave de Crouseilles en grande surface «Le grain de roi». c’est un vin fruité, corsé, complexe, mais à la fois simple et étonnamment authentique. Que vous soyez expert ou amateur, ce vin fait l’unanimité. A boire tout de même avec modération même si, paraît-il, avec le rouge rien ne bouge !
Guillaume Cassou