Population longtemps oubliée, elle est en ce moment au cœur des informations. On la considère comme étant la minorité « la plus persécutée du monde ». Mais qui est ce peuple habitant la Birmanie et pourquoi est-il persécuté ?
Les Rohingyas habitent l’Arakan, appelé aujourd’hui l’Etat de Rakhine, morceau de territoire birman séparé du reste du pays par une chaîne de montagnes et faisant frontière avec le Bangladesh. Ils auraient été 1,1 million à y vivre avant le grand exode de cette population vers l’Inde et surtout le Bangladesh.
Ce peuple musulman, très mal intégré dans la société, a perdu la nationalité birmane depuis 1982 . Les Rohingyas ne peuvent plus voter, accéder à certains emplois, ne sont plus propriétaires de leurs terres et avant tout déplacement, ils doivent en informer les autorités.
Mais pourquoi sont-ils si rejetés ? Cela remonte à l’époque de la colonisation de la Birmanie par l’Angleterre. En effet, les Anglais ont divisé le pays pour mieux y régner. Ils ont favorisé les Rohingyas musulmans au détriment des bouddhistes, notamment en leur donnant un accès facile à certains emplois. Lors de la décolonisation, ces différences de traitements ont donné lieu à de nombreux affrontements entre musulmans et bouddhistes. C’est à la suite de cela que le gouvernement militaire birman a déchu les Rohingyas, en prétextant que cette minorité n’était pas sur le territoire birman avant l’invasion des Britanniques en 1823. Selon les extrémistes bouddhistes, la minorité Rohingya serait arrivée au XIXe siècle avec les colons britanniques. Mais pour certains historiens, et selon les Rohingyas, ils sont originaires de l’Arakan.
La seconde raison pour laquelle l’armée birmane essaie d’expulser les Rohingyas est économique. La zone sur laquelle la minorité habite est remplie de matières premières et de richesses : gaz, pétrole, bois, pierres précieuses et minerais. C’est notamment pour cela que de nombreux pays ferment les yeux sur les exactions commises sur ce peuple.
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En 2012, il y avait déjà eu un grand exode des Rohingyas lors de violents affrontements entre bouddhistes et musulmans, faisant des centaines de morts. Des mosquées et des villages furent incendiés et 120 000 Rohingyas avaient alors été regroupés de force dans des camps.
Depuis août 2017, une autre vague de Rohingyas a dû s’exiler après de nouveaux affrontements. Ils seraient maintenant plus d’un million à vivre dans des camps au sud du Bangladesh. L’armée birmane avait jusqu’à présent dénié toute exaction commise sur ce peuple : exécutions, arrestations, viols, incendies volontaires de villages entiers… Ce n’est que début janvier que la Birmanie a officiellement reconnu avoir tué certains Rohingyas – le compte-rendu fait état de 10 victimes – loin du véritable nombre de morts causées par les actions de l’armée birmane décrite comme une « épuration ethnique ».
Enfin, le Bangladesh et la Birmanie ont fixé un accord sur deux ans qui prévoit le retour des Rohingyas en Birmanie. Cependant, le secrétaire général de l’ONU maintient qu’il ne faut pas que les Rohingyas soient sortis des camps bangladais pour aller dans des camps birmans.
Que vont donc devenir les Rohingyas ? Vont-ils décider de repartir au Myanmar, pays même où leurs droits sont bafoués ? Même avec un éventuel retour au calme, le mal est déjà fait. En effet, de nombreuses familles sont séparées, détruites, leurs maisons réduites en cendres et le traumatisme reste et restera à jamais ancré en eux.
Marie Izdag