Thérèse (1986), raconté par Alain Cavalier

Therese Alain Cavalier 1
Therese Alain Cavalier 1

Depuis sa sortie au cinéma en 1986, Thérèse, chef d’œuvre d’Alain Cavalier produit par Maurice Bernard a remporté pas moins de six Césars. Évocation de la vie de Sainte Thérèse, il retrace celle-ci de son enfance avec sa famille à sa mort par tuberculose à vingt-quatre ans, neuf ans après son entrée au Carmel de Lisieux. ThéoNet a eu la chance de rencontrer Alain Cavalier lors d’une projection au Parvis, après laquelle le réalisateur a révélé quelques anecdotes des coulisses du film. 

Cavalier, ancien chrétien, garde une impression très forte du pensionnat catholique dans lequel il a vécu une partie de son enfance, « sans chauffage, ni nourriture » pendant l’occupation allemande. Il a gardé l’image de Jeanne d’Arc et de ces héroïnes, nonnes anonymes, vierges et mortes qu’on lui présentait en modèle . Ce parcours l’a vite mis sur la voie de la recherche, sur Thérèse d’abord, puis sur l’univers du couvent, des nonnes. Univers qu’il décrit comme fascinant, théâtre d’un « extrémisme des sentiments » de passion, de dévotion au Christ. Cet amour et ce sens de l’injustice est frappant chez les nonnes et incarné dans Thérèse, sûre plus que de nulle autre chose qu’elle sauvait les gens par son silence et sa douleur. 

 » Il y a quelque chose en elles de magique « 

Alain Cavalier, parlant des carmélites

Le film dénote d’une esthétique très particulière, à la fois très neutre, pauvre et très vivante, comme une suite de tableaux mais cassant le style « chic-peinture ». Cette description paraît bien compliquée, et elle l’est à l’instar de la mise en place du décor, que Cavalier qualifie volontiers de « casse-tête ». En effet, les visites du Carmel destinées à en saisir l’ambiance austère de pensionnat ont dû rencontrer Le Fifre de Manet pour créer la révélation qui a poussé le réalisateur dans ses choix de scénographie. Résultat : un immense studio de 800 m² aux hauts murs peints dans des nuances de gris du blanc au noir, autant de toiles offrant à l’équipe une grande liberté et au spectateur une concentration ciblée sur les objets et les personnages qui évoluent sous ses yeux. Le film a donc un aspect « pauvre, rapide, bricolo » qui lui confère une liberté artistique qui s’oppose au quotidien enfermé des carmélites mais une « esthétique épurée, sans alexandrins » qui nous captive et nous plonge dans cette ambiance si singulière où la pauvreté du décor fait écho à celle de l’ordre.

Cette pauvreté se retrouve également dans les choix de casting, certaines des nones qui apparaissent à l’écran ne sont même pas actrices mais viennent sur le plateau à la demande, pour tourner des scènes parfois un peu improvisées comme l’incroyable scène de la fête qui amène la vie de la comédie musicale dans l’austérité du couvent dans une performance hypnotisante. Mais celle qui nous frappe à chaque instant, c’est Catherine Mouchet qui incarne à vingt-sept ans le rôle de Thérèse. Repérée par Alain Cavalier alors qu’elle interprétait Mouchette au théâtre dans La Mort de Mouchette, l’actrice a vite montré une connexion réelle, presque troublante avec Thérèse, paraissant parfois se confondre avec le personnage. Cavalier nous raconte avec saisissement des tournages sans indication, en une prise, entrecoupés du silence de Mouchet, pour un jeu splendide, juste et incroyablement touchant.

 » Si j’avais vu ce film avant de rentrer au couvent, je n’y serais pas rentrée. « 

Une nonne ayant interprété une carmélite

Tout ce travail de recherche, d’immersion et d’imagerie a donné naissance à ce film éclatant, insolent qui montre toute la violence qui régit les carmélites et terriblement émouvant, pour une adolescente morte trop tôt.

Clémence Deutsch

À propos de Clémence Deutsch

Rédactrice en chef de ThéoNet, j'aime écrire sur la culture, l'environnement, l'actualité, interagir avec nos lecteurs sur les réseaux sociaux et illustrer mes idées !

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